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Les Lames, les Duels et l'Élégance : L'Attrait Éternel du Cinéma de Cape & d'Épée

Writer's picture: Mathieu FaisnelMathieu Faisnel

Les yeux rivés sur l'écran, les épées qui s'entrechoquent dans un ballet étincelant, une histoire d'amour palpitante, une histoire mièvre mais néanmoins divertissante. Ces films d'aventure captivent notre imagination. Qui ne connaît pas Zorro et son légendaire Z, ou le caractère téméraire de d’Artagnan ?


Hollywood n’avait pas encore fêté ses dix ans qu’un nouveau genre de film émergea avec la United Artists. Un “petit” studio apparu, fondé par Fairbanks, Pickford, Griffith, et Chaplin. Avec de telles icônes, ce "petit" studio devint rapidement l'un des plus prolifiques à Hollywood. Pour marquer leur arrivée, ils décidèrent de tenter leur chance avec un tout nouveau genre, ce qui allait devenir le cinéma de cape et d'épée. Même si ce genre était inédit sur grand écran, il puise ses racines directement dans la littérature.


En 1920, "Le Masque de Zorro" arriva sur les écrans, réalisé par Fred Niblo et produit par Douglas Fairbanks, qui incarne également le rôle principal de Zorro. Le film est une adaptation du magazine "Le Fléau de Capistrano" de Johnston McCulley, paru en 1919.


Le succès fut phénoménal, touchant le monde entier, propulsant ainsi ce genre au sommet et encourageant le duo à réaliser "Les Trois Mousquetaires" en 1921, suivi d'une suite de Zorro, "Don Q, Fils de Zorro" en 1925. D'autres films du même acabit suivirent, tels que "Robin des Bois", "Le Voleur de Bagdad" et des aventures de pirates. Le dernier film de Douglas Fairbanks fut "Le Masque de Fer", réalisé par Allan Dwan en 1929.


Le Cinéma de Cape et d’Epée


Le Cinéma de Cape et d'Épée tire son inspiration de romans d'auteurs de fiction historique, à l'instar des "Trois Mousquetaires" d'Alexandre Dumas, plutôt que de sources historiques authentiques. “La gaudriole plutôt que l’exactitude historique. L’action plutôt que les affrontements de salon sentimentaux ou politiques en dentelles” (Pierre d’Amerval, La Cinémathèque Française, 2007). L'ancêtre du genre peut être vu au travers de “L’Assassinat du duc de Guise” au théâtre (comédie-française).


Les films de cape et d'épée ne sont pas des œuvres historiques. Ils prétendent raconter une pure fiction, parfois stéréotypée et exagérée, tout en évoluant dans un contexte historique.


Sans rentrer dans les détails, voici quelques éléments constants du genre (d’après l’article de la cinémathèque française):

  • les héros sont des personnages en rupture avec le société hiérarchique de l’Ancien Régime: tantôt des représentants des classes populaires (Fanfan la Tulipe, Le voleur dans “Cartouche”) ou des nobles désargentés (D’Artagnan, Fracasse)

  • le masque ou le déguisement sont de rigueur

  • le héros fait triompher le bon droit et la justice

  • Tous ont des torts à redresser, des revanches à prendre, des vengeances à exercer

  • la royauté n’est jamais critiquée

  • les ministres retors ou les nobles dévoyés sont les responsables de l’injustice (pas le roi)

  • avec des capes, des épées, des uniformes, etc.



Deux capes, deux épées, les français & les américains


Comme mentionné précédemment, le genre a été popularisé par "Le Masque de Zorro", une adaptation du personnage de Johnston McCulley. Ce succès aux États-Unis a inspiré de nombreuses productions, réalisateurs et acteurs à se joindre à la vague de films de cape et d'épée. Fairbanks domina les années 1920.


Contrairement à ce que ce que la chronologie pourrait suggérer, la France ne suivit pas l’exemple américain. Elle créa son propre cinéma de cape et d’épée, distinct de celui américain, ce n’est qu’à posteriori que le genre de cape et d’épée américain et français seront réunifiées sous un nom commun. Le genre n’est pas nouveau et puisse son origine dans la littérature dont le cinéma adaptera énormément. A commencer en 1921, avec Henri Diamant-Berge qui réalisa la première adaptation française des “Trois Mousquetaires” en 12 épisodes avec Aimé Simon-Girard en d’Artagnan. Son succès va amener à de nombreux classiques issues des romans historiques de fiction à être adapté comme “Le Bossu”, “Le Capitaine Fracasse”. Le genre naîtra mais restera discret dans une première phase contrastant avec nos amis outre-atlantique.


Les années 1930 virent Errol Flynn reprendre le flambeau avec des films d'aventure maritimes et des adaptations médiévales, ainsi que Gene Kelly dans le rôle de d'Artagnan avec son élégance et son habileté.


C’est au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, que deux films "Le Bossu" (1944) de Jean Delannoy avec Pierre Blanchar et "Le Capitan" (1946) de Robert Vernay, ont ravivé le genre en France. Cependant, c'est Gérard Philipe qui a véritablement marqué le genre avec son incarnation mémorable de Fanfan la Tulipe en 1952, suivi de Georges Marchal dans "Les Trois Mousquetaires" (1953), une autre adaptation de l'œuvre d'Alexandre Dumas.


En 1957, Jean Marais prit le relais en devenant le héros emblématique de nombreux films du genre. Gérard Barray lui a succédé en 1962, après avoir joué un second rôle aux côtés de Marais dans "Le Capitaine Fracasse," ainsi que dans "Scaramouche" en 1963, réalisé par Antonio Isasi-Isasmendi. Claude Carlie, un maître d'armes qui a travaillé sur de nombreux films de cape et d’épée, également laissa sa marque.


De l'autre côté de l'océan, dans les années 1970, Richard Lester donna un nouvel élan au genre, qui avait quelque peu perdu de sa vigueur depuis la guerre, avec "Les Trois Mousquetaires" en 1973 et "On l'appelait Milady" en 1974. En 1988, le même réalisateur adapta "Vingt ans après" dans "Le Retour des Mousquetaires." L'une des dernières réalisations anglo-saxonnes du genre est "L'Homme au Masque de Fer" de Randall Wallace, avec Leonardo DiCaprio en 1998.


Le genre de cape et d'épée donna naissance à de nombreuses collaborations fructueuses entre réalisateurs et acteurs, dont la plus célèbre est peut-être celle entre Jean-Paul Belmondo et le réalisateur Philippe de Broca dans les années 60.


Une héros, une vedette, une star


Douglas Fairbanks, figure fondatrice du genre, introduisît le représentant idéal du héros: beau, athlétique, sympathique, sourire ravageur. Une star naquit à l’écran, le public frémissant à l'idée de le voir se battre en duel dans son prochain film.


Sur l’exemple de Fairbanks, une succession de héros charismatiques émergèrent, chacun apportant sa propre touche au genre: “le goût du risque physique de Jean Marais, la vivacité de Gérard Philipe, la gouaille de Jean-Paul Belmondo, le mystère d’Alain Delon en Zorro font la réussite des films qu’ils interprètent.” (Pierre d’Amerval, La Cinémathèque Française, 2007).


Contrairement aux États-Unis, les films français de cape et d'épée se caractérisent par leur réalisme, utilisant peu d'effets spéciaux et privilégiant les décors naturels, y compris de véritables châteaux historiques (outre-atlantique les châteaux médiévaux n’existant pas).


Toute belle histoire a une fin, suivit d’un renouveau


Figure majeur des années 1950-1960, le genre s’essouffle dans les années 1970 avec la Nouvelles Vague. Néanmoins le genre est loin d’être éteint, il est juste endormi. Jean-Paul Rappeneau réalisa deux adaptations avec succès dans les années 1990 avec “Cyrano de Bergerac” avec Gérard Depardieu (1990) et “Le Hussard sur le toit” avec Olivier Martinez (1995). Cela poussa plusieurs réalisateurs à revenir au genre. Philippe de Broca tourna aussi un remake du "Bossu" avec Daniel Auteuil et Fabrice Luchini (1997). Une version féminine, "La Fille de d'Artagnan" avec Sophie Marceau, réalisée par Bertrand Tavernier en 1994, renforça ce nouvel élan. On ne peut non plus oublier la version plus moderne de "Fanfan la Tulipe," réalisée par Gérard Krawczyk en 2003, où Vincent Perez incarne un héros du genre, doué des talents duellistes les plus marquants.


Les années 2000 : L’échec cuisant du grand écran laisse place à son cadet


Néanmoins, les années 2000 virent des adaptations décevantes, notamment dans une veine comique.


Il ne faut pas oublier les séries télévisées qui ont contribué à maintenir le genre vivant au fil du temps, avec des titres tels que "Thierry la Fronde" (1963), "Le Chevalier Tempête" (1967), "Lagardère" (1967), "Thibaud ou les Croisades" (1968), "D'Artagnan" (1969), "Quentin Durward" (1971), "La Dame de Monsoreau" (1971), "Mandrin" (1972), "La Révolte des Haïdouks" (1972), "La Juive du Château Trompette" (1974), "D'Artagnan amoureux" (1977), "Gaston Phébus" (1978), et bien d'autres.


Les Trois Mousquetaires, l’oeuvre la plus adapté au cinéma


L'œuvre la plus adaptée au cinéma est "Les Trois Mousquetaires" d'Alexandre Dumas. Une multitude d'adaptations continuent à être réalisées et verront le jour à l'avenir.


Parmi ces adaptations, "Les Trois Mousquetaires" de George Sidney (1948) est particulièrement mémorable, avec des duels d'épée marquants et des chorégraphies spectaculaires, apportant une touche de vivacité et d'entrain à la mise en scène, une signature du réalisateur qui avait précédemment réalisé de nombreuses comédies musicales.


Les déclinaisons humoristiques, entre réussite et échec


Le genre a également été décliné dans des versions humoristiques, avec des succès comme "Cadet Rousselle" d'André Hunebelle (1954), "Cartouche" de Philippe de Broca et "Mandrin, Bandit Gentilhomme" de Jean-Paul Le Chanois en 1962. Sans oublier la saga sentimentale "Angélique, Marquise des Anges" de Bernard Borderie avec Michèle Mercier (cinq films entre 1964 et 1968).


Toutefois, les adaptations humoristiques des années 1990 et 2000 ont eu du mal à s'éloigner des clichés et ont eu du mal à trouver leur public.


Un genre ayant infiltré tous les films


Au-delà des films du genre, des références à la cape et à l'épée se retrouvent dans divers autres genres cinématographiques, comme la science-fiction avec "Star Wars" et ses sabres laser, "Matrix" avec sa célèbre scène d'escalier, ou encore le genre de l'heroic-fantasy avec "Le Seigneur des Anneaux". L'heroic-fantasy peut être considérée comme une évolution moderne du film de cape et d'épée.


"Princess Bride" (1987) est une adaptation moderne du genre, reprenant les héros, les décors et les péripéties dans une version décalée mais respectueuse, rendant hommage au genre.


Un retour ?


Les films de cape et d’épée sont surement autant populaires et aimés, malgré leur caractère simpliste et cliché car il offre un idéal où le roi est aimant et aimé du peuple, où le héros est beau et sympathique, où l’histoire est fictive et modifié donc plus belle à voir. Les méchants sont facilement reconnaissables et perdent. L’injustice est combattu. Tout cela pousse à la nostalgie même si on n’a pas connu l’époque, le fait de la rendre fictive et idéale donne envie dans un monde que l’on veut échapper. Tout semble plus simple. Un peu comme la fascination pour la jeunesse d'aujourd'hui pour les années 80. Tout semblait plus simple, où on était heureux, la guerre froide touchait sa fin, les couleurs étaient vives, la liberté semblait toute grande (apparition des chaines privés, radios indépendantes, etc.).


Avec la récente sortie des "Trois Mousquetaires" qui a reçu un accueil positif tant du public que de la critique, on peut se demander si le genre ne connaîtra pas un renouveau. Tous les éléments sont en place, avec en tête d'affiche François Civil, soutenu par des grands noms tels que Vincent Cassel, Romain Duris et Eva Green. De plus, une suite sort en ce mois de décembre. Le cinéma de cape et d'épée pourrait bien vivre une nouvelle ère, poursuivant son héritage cinématographique.


Liste de films de capes et d’épée :




Bibliographie


La cinémathèque française (2007) Le Cinéma de Cape et d’Epée. Pierre d’Amerval. Disponible sur: https://www.cinematheque.fr/cycle/le-cinema-de-cape-et-d-epee-279.html [accessible 17 octobre 2023].


C. K. (2011). De Cape et d’Epée. Flammarion (ed.). Tout sur le cinéma. Philip Kempo. Paris pp. 48-49.

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